En juillet dernier, la Commission européenne a publié la liste des lauréats du dernier appel à projets du programme CEF, parmi lesquels figurent plusieurs initiatives intéressantes pour le transport combiné.
C’est le dossier du mois à retrouver dans notre CombiLettre n°30 du mois de septembre.

Qu’est-ce que le programme CEF ?
Le CEF (« Connecting Europe Facility »), ou MIE en bon français (« mécanisme pour l’interconnexion en Europe »), est un outil important du financement des politiques européennes de transport. C’est un programme créé en 2013 par un règlement de l’Union (Règlement UE n° 1316/2013 du Parlement européen et du Conseil, adopté le 11 décembre 2013).
À l’époque, il répondait au constat que les infrastructures stratégiques de l’Union (transports, mais également énergie et télécommunications) étaient encore trop fragmentées et par là entravaient la fluidité des échanges, la mobilité des personnes et des biens ainsi que l’efficacité économique. Ce constat était tout spécialement préoccupant pour les réseaux ferroviaires, dont on sait qu’ils sont, de par l’héritage historique, techniquement disparates : écartements des voies, gabarits, systèmes d’alimentation électrique, systèmes de signalisation et de contrôle-commande, règles d’exploitation…
Par ailleurs, les réseaux s’étant développés dans des logiques nationales, les liaisons entre les Etats membres restaient insuffisantes, notamment pour franchir les obstacles naturels comme les montagnes (Alpes, Pyrénées, Carpathes) ou les détroits (Manche, mer Baltique).
Le CEF a donc été mis en place pour atteindre 4 objectifs :
- financer et accélérer le développement de réseaux transeuropéens (« RTE »), RTE-T pour les transports, mais aussi RTE-E pour l’énergie ainsi que les réseaux numériques ;
- réduire les goulets d’étranglement et combler les « maillons manquants » aux frontières ;
- favoriser l’intégration européenne en garantissant la continuité des infrastructures stratégiques ;
- contribuer aux objectifs climatiques en soutenant des projets plus durables (notamment dans les transports et l’énergie).
Le CEF est entré en vigueur le 1er janvier 2014 pour la période budgétaire 2014-2020, puis a été renouvelé et renforcé pour sa deuxième période 2021-2027, pendant laquelle il est doté d’un budget de 56 milliards d’euros, dont 33 consacrés aux transports soit près de 60% du total. Depuis 2021, le programme CEF est géré par CINEA (« Climate, Infrastructure and Environment Agency »), une agence de l’Union européenne créée cette année-là.
A noter que le CEF n’est pas le seul outil de financement des projets transport dans l’UE ; celle-ci mobilise régulièrement d’autres programmes, par exemple via les fonds structurels régionaux ou les programmes d’innovation.
A qui s’adresse le programme CEF et pour quels projets ?
Le volet transports du programme CEF, appelé « CEF Transports », sert à financer des projets présentés par les Etats membres, les gestionnaires d’infrastructure, ainsi que les entreprises privées ou publiques. Ces acteurs doivent être ressortissants de l’UE.
Parmi ceux-ci, en considérant les appels à projets depuis 2021, on remarque des entreprises ferroviaires (EF), des opérateurs de transport combiné (OTC), des loueurs de matériels roulants, des exploitants de terminaux portuaires et de terminaux intermodaux. Les projets éligibles au CEF transports sont majoritairement des infrastructures, de tous modes (routes, rail, voies navigables, ports, aéroports), dès lors qu’ils sont situés sur l’un des corridors RTE-T (cf. carte ci-dessous, dans sa dernière version mise à jour en 2024, ainsi que notre Combilettre n°16 d’avril 2024 pour ce qui concerne les RTE-T). Ceci étant, il faut préciser que l’expression « infrastructures de transport » s’entend de façon assez large, puisque le CEF finance régulièrement des véhicules ou des systèmes, comme parties prenantes aux infrastructures.

Comment fonctionne le programme CEF ?
Comme d’autres programmes européens, le CEF fonctionne sur la base d’appels à projets publiés par la Commission, dotés d’un cahier des charges indiquant les lignes directrices, les priorités et les objectifs des projets attendus, ainsi que d’un budget.
Ces appels à projets sont limités dans le temps, la période de réponse pour les candidatures ne dépassant pas quelques semaines. Les dossiers doivent respecter un formalisme rigoureux, et sur le fond être en phase avec les lignes directrices indiquées dans le texte de l’appel, à commencer par les « dépenses éligibles » très précisément décrites. Les subventions allouées par CEF transports ne peuvent dépasser 30% de ces dépenses éligibles.
Depuis 2021, les principaux appels à projets du CEF transports ont été les suivants :
- deux appels pour des actions de digitalisation dans les transports (« smart and interoperable mobility »), lancés respectivement en 2021 et en 2022 et ayant bénéficié à 135 projets ;
- appel pour des projets d’infrastructures, lancé en 2023 avec un budget de 7 milliards d’euros ayant bénéficié à 134 projets sélectionnés ;
- appel pour des projets visant l’élargissement de l’UE et la « mobilité de proximité vers l’Est », lancé en 2024 avec un budget de 2,5 milliards d’euros ;
- appel pour des projets d’infrastructures lancé en 2024-25 avec un budget de 2,8 milliards d’euros bénéficiant à 94 projets.
A noter que depuis 2022 CEF transports a également donné lieu à 2 appels à projets de « mobilité militaire » (pour un total de près d’un milliard d’euros) compte tenu du contexte géopolitique sur le continent européen.
Petit aperçu des projets financés par le CEF et intéressant le transport combiné
Au prisme de leur intérêt pour le transport combiné, voici un petit aperçu des projets sélectionnés par CINEA dans le cadre du CEF transports depuis 2021 – suivant une sélection qui n’engage que votre Combilettre.
Cet aperçu se regroupe en 3 thématiques :
- projets de terminaux intermodaux : CEF transports a financé, par exemple, les projets de création de terminaux (TOP Miramas en France, La Llagosta en Espagne, Szczecin en Pologne) ou d’extension / modernisation de terminaux existants (Bayonne-Mouguerre en France, Murcie en Espagne, Sofia-West en Bulgarie…) ;
- projets d’amélioration des performances ferroviaires : CEF transports a financé, par exemple, les études en vue de mises au gabarit P400 (sur l’axe Lorraine – Vosges en France), les études et les travaux du projet de tunnel Lyon – Turin, mais aussi le rétrofit de locomotives et leur équipement du système ETCS (en Allemagne avec l’EF DB Cargo ou le le loueur Railpool, au Danemark avec l’EF DSB…) ou encore des opérations de mises aux normes environnementales de wagons ;
- projets d’amélioration des performances fluviales et maritimes : CEF transports a financé, par exemple, la modernisation et le « verdissement » des installations intermodales du port de Trelleborg (Suède), ou les études et les travaux préparatoires au canal Seine-Nord-Europe (France).

L’appel à projets d’avril 2025 et ses lauréats
Le dernier appel à projets du CEF transports s’est déroulé d’avril à juillet 2025. Il se traduit par la sélection de 94 projets, dont 47 ferroviaires et intermodaux.
Toujours sous le prisme du transport combiné, on propose un petit aperçu de ces projets en se limitant à ceux qui concernent la France :
- parking sécurisé pour camions (« SSTPA ») de Dunkerque-Craywick, porté par l’opérateur Niti Park (pour 5 M€) ; les parkings aux normes européennes SSTPA permettent aux camions et à leurs chauffeurs de stationner aux meilleures normes de sécurité, de sûreté et de confort ;
- modernisation des écluses de Gambsheim, sur l’axe rhénan, sous maîtrise d’ouvrage VNF (pour 5 M€) ; le projet permettra une meilleure continuité de la navigation fluviale sur le Rhin dans un contexte de changement climatique altérant les capacités de l’axe en eau ;
- conversion au système ETCS des infrastructures ferroviaires de l’axe Marseille – Vintimille , sous maîtrise d’ouvrage SNCF Réseau (pour 43 M€) ; le projet permettra un accroissement sensible de la capacité et de la régularité, un bénéfice pour les services voyageurs mais également pour le transport combiné, qui a beaucoup utilisé la ligne de 2023 à 2025 en détournement de la Maurienne ;
- conversion au système ETCS de locomotives fret, sous maîtrise d’ouvrage Akiem (pour 3,4 M€) ou SNCF Réseau (pour 2,2 M€) ; ces projets permettent des gains importants d’interopérabilité pour le fret et le combiné, à l’heure où le déploiement de l’ETCS se développe en Europe.
Le programme CEF jusque 2027
CEF transports se résume donc comme un outil important d’accélération des projets trans-européens, dans une logique de coup de pouce en faveur de projets qui n’auraient peut-être pas pu aboutir sans cette aide. Ceci étant, les prochains mois seront cruciaux pour la suite de cette initiative dont les capacités budgétaires arrivent apparemment à leur terme. Souhaitons que la Commission préserve le financement de cet outil et réinvente, après 2027, un cadre d’intervention similaire permettant de préserver sur le long terme la cohérence des politiques européennes de transport.
Plus d’informations sur le site officiel du programme CEF Transports : Transport infrastructure – European Commission