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L’année 2023 devrait voir éclore plusieurs dossiers très stratégiques pour l’avenir du transport combiné européen, notamment la mise à jour de la directive sur le transport combiné, celle sur les poids et mesures dans le transport routier, et le règlement sur les réseaux trans-européens. Explications.

L’Union européenne, ses compétences et ses actions en matière de transport

L’Union européenne (UE) est, depuis le traité de Maastricht de 1992 et au nom du marché unique, en charge du développement de réseaux de transport européens et de la coordination des politiques de transport. Au sein de la Commission européenne et avec sa Commissaire aux transports, Mme Adina VALEAN, c’est la direction générale de la mobilité et des transports qui est à l’action sur ces dossiers, la fameuse DG Move. Son directeur actuel est M. Henrik HOLOLEI.

Pour mémoire, les politiques européennes sont le fruit de décisions à trois acteurs : la Commission, le Conseil (qui représente les Etats) et le Parlement. A Bruxelles, les intérêts du transport combiné sont représentés par l’Union Internationale du transport rail-route (UIRR), en étroite liaison avec les représentations nationales comme le GNTC pour la France.

Dès les années 1990 et l’officialisation de ces compétences, l’UE avait pris l’enjeu du transport combiné de marchandises et de réseaux de transport performants au niveau du continent :

  • en 1992, elle adoptait la première directive (n°92/106) visant à encourager le recours au transport combiné à travers le continent ; ce texte prévoyait notamment la possibilité d’incitations fiscales et de priorités au transport routier en pré-post acheminement du combiné ;
  • en 1996, l’UE adoptait le principe de réseaux trans-européens de transport (« RTE-T », ou « TEN-T » en anglais) couvrant les principales infrastructures routières, ferroviaires, fluviales, aériennes et maritimes de l’Union dans le but d’y coordonner et accélérer les investissements suivant une logique de « corridors », fixés depuis 2013 au nombre de neuf (cf. carte ci-dessous).

A noter que les RTE-T ferroviaires ont été complétés en 2010 par des « corridors de fret » (« RFC » : Rail Freight Corridor) s’imposant aux gestionnaires d’infrastructures en termes d’investissements prioritaires, de normes techniques (pour l’ERTMS par exemple) et d’allocation de capacités (avec notamment l’instauration de guichets uniques).

Toutes ces décisions ont produit des résultats mitigés : le transport combiné – tout comme les modes massifiés qu’il utilise (ferroviaire et fluvial) – a connu des évolutions très contrastées, entre des Etats très utilisateurs (Allemagne, Autriche) et des Etats où il a plutôt stagné (France notamment) ; pour leur part, les RTE-T ont fait l’objet d’investissements conséquents et pour certains profitables au fret ferroviaire et au fluvial, mais ils restent largement inachevés, notamment du fait qu’ils demeurent tributaires du bon vouloir des Etats (l’UE ne disposant pas de compétence en matière de programmation), et par conséquent de calendriers et de priorisations hétérogènes.

La politique des transports de l’UE et les nouveaux défis environnementaux

Pour répondre à l’accord de Paris de 2015 sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), mais également dans la nécessité de relancer l’économie suite à la pandémie de Covid-19, l’UE a adopté en 2020 une stratégie d’ensemble appelée Green Deal, dont l’ambition est de rendre le continent neutre en carbone en 2050. En 2021, la Commission a précisé ses intentions en proposant le paquet « Fitfor55 », qui vise à réduire de 55% les émissions de GES d’ici 2030 (par rapport à leur niveau de 1990).

Ces textes majeurs entraînent la nécessité de mettre à jour plusieurs politiques européennes, notamment, pour ce qui concerne le transport de marchandises, de renforcer le transport combiné et son principal maillon le ferroviaire, au regard de leur efficacité énergétique et climatique.

La révision de la directive 92/106 : vers une meilleure prise en compte de la vérité des coûts

En 2022, la Commission a engagé la révision de cette directive en proposant de lui assigner de nouveaux objectifs, notamment de permettre une meilleure prise en compte des coûts externes de chaque mode de transport et une meilleure information des acteurs sur ces coûts, le tout devant renforcer l’attrait du transport combiné.

A cet effet, la Commission a ouvert une consultation basée sur 4 scénarios : un 1er scénario sans évolution, et 3 scénarios faisant évoluer la réglementation de façon plus contraignante, notamment sur les méthodes de calcul des coûts externes, la prise en compte d’externalités autres que les émissions de GES comme la pollution, le bruit ou l’accidentologie, et enfin – et surtout – le caractère obligatoire des aides des Etats en faveur du combiné. Le résultat de ces consultations devrait aboutir au printemps prochain, avec une publication de la directive révisée en juin 2023.

La révision des RTE-T

Fin 2021, la Commission a présenté un projet de révision du fonctionnement des RTE-T, dans le but principal d’accentuer le verdissement de la mobilité européenne (les émissions de GES des transports devant diminuer de 90% d’ici 2050, dans le sillage du Green Deal).

Cette révision introduirait plusieurs nouveautés :

  • une accélération du calendrier de mise en oeuvre : depuis 2013, les RTE-T sont distingués en un « réseau global » (structure de base comprenant des éléments de tous les modes de transport – ferroviaire, routier, fluvial, aérien et maritime) et un « réseau central », qui est un sous-ensemble du réseau global représentant les nœuds et maillons les plus importants. La révision prévoit de distinguer, au sein du réseau central, un réseau « central étendu », et de fixer l’achèvement de ces 3 niveaux en 2030 (réseau central), 2040 (central étendu) et 2050 (global), le but étant d’accélérer l’achèvement du réseau central qui est le noyau du projet.
  • un renforcement des exigences techniques, notamment pour le fret ferroviaire, en matière de vitesse (minimum 100 km/h), de longueur (740m), de charge à l’essieu (minimum 22,5t) et d’ERTMS, ce dernier étant déployé en totalité en 2040 sur le réseau central.
  • la possibilité de transporter des camions sur les trains partout sur les RTE-T, ce qui entraîne une exigence sur le gabarit P400.
  • des exigences accrues sur les terminaux intermodaux et sur de plus grandes capacités de manutention dans les terminaux de fret.
  • un caractère désormais prescriptif de ces programmes d’équipement : des obligations seraient imposés aux Etats en matière de calendrier et de réalisation, en contrepartie de subventions européennes du programme MIE (« mécanismes d’interconnexion européens », ou « CEF » en anglais).
  • des exigences de qualité de service, avec par exemple une règle de retard maximum d’une demi-heure pour certains trains de fret utilisant un corridor, une règle d’une attente maximale de 15 minutes au franchissement d’une frontière interne de l’UE ou encore l’augmentation de la vitesse des trains sur le réseau central.

Après les rapports, débats et arbitrages européens, l’adoption définitive du nouveau règlement est attendue pour la mi-2023.

Les autres évolutions prévues en 2023

Ce tour d’ensemble des dossiers européens peut être complété en signalant trois évolutions sur lesquelles travaille actuellement la Commission :

  • la consultation « Count Emissions EU » : ce projet vise à inciter les opérateurs de transport à mesurer les émissions de GES et à comparer leurs services à l’aide d’une méthodologie commune, permettant aux expéditeurs, aux passagers, aux clients du commerce électronique et aux autorités publiques de faire des choix éclairés sur les options de voyage, de livraison ou de service les plus durables. Ce projet doit aboutir en avril 2023.
  • la mise à jour de la directive 96/53 « poids et dimensions » du transport routier communautaire (national et international) et de son régime de dérogations ; mais les échanges actuels entre la Commission et la profession n’ont pas encore permis de clarifier les objectifs et les moyens de cette mise à jour.
  • la consultation « Rail Capacity Management Initiative », dont l’objectif est de faciliter et fluidifier au niveau européen les procédures d’accès aux réseaux ferrés et d’allocation de capacités. Ce projet doit aboutir au 2e trimestre 2023.