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Un outil stratégique du transport combiné : le terminal

Une des infrastructures les plus stratégiques pour réaliser tout transport combiné est le terminal intermodal : dans ce numéro de la Combilettre, nous vous proposons un tableau des terminaux en France et des éléments de réflexion sur leur avenir, à l’heure de la stratégie nationale de triplement du combiné et du verdissement accéléré des supply chains.

Un terminal intermodal… comment ça marche ?

Fondamentalement, un terminal intermodal est un site où s’effectue la fonction vitale de transfert, entre modes de transport, des UTI contenant les marchandises. Le transfert peut y être assuré du camion au train ou vice-versa (c’est alors un terminal rail-route), ou bien du camion à la barge fluviale ou vice-versa (c’est alors un terminal fleuve-route). Le transfert des UTI est réalisé par manutention, au moyen d’engins spécialisés fixes ou mobiles (portiques ou autogrues). Le schéma ci-dessous (source : Ministère de la Transition écologique) indique cette fonction fondamentale de transfert des terminaux, par différence avec un transport de marchandises tout routier.

Souvent, d’autres services connexes sont assurés sur les terminaux : gardiennage, stockage ou réparation d’UTI, accueil des camions et opérations administratives, composition des trains…

Les différents types de terminaux

La carte ci-dessus (source : GNTC) indique les principaux terminaux de transport combiné en France en 2020.

Elle distingue les terminaux par fonctions (rail-route et fleuve-route, auquel s’ajoutent dans certains cas rail-route-fleuve ou rail-route-mer : on parle alors de terminal tri- ou multimodal) et par propriétaire, SNCF Réseau ou autre : en effet, en France, les deux tiers des terminaux appartiennent à SNCF Réseau, qui les confie à des exploitants par des conventions d’occupation temporaire (COT) et la facturation de loyers. Les autres terminaux appartiennent à des opérateurs privés, des collectivités locales ou encore à des ports nationaux ou régionaux, qui là aussi peuvent les confier à des exploitants. Souvent, les exploitants, appelés aussi « terminalistes », sont par ailleurs opérateurs de transport combiné (OTC) et conjuguent ainsi deux métiers très complémentaires.

Un peu d’histoire : un demi-siècle d’adaptations permanentes

Dans les années 1950-60, lorsque le transport combiné commence son ascension, les premières manutentions d’UTI s’effectuent sur des sites SNCF, dans des « cours à marchandises » (ou des « chantiers », suivant la terminologie de l’époque) établies au XIXe siècle et parfois avec des moyens rudimentaires.

Au fil des ans, le terminal combiné « moderne » prend peu à peu sa forme : les manutentions d’UTI tendent à se séparer des autres opérations de chargement/déchargement des marchandises conventionnelles car elles exigent des moyens spécifiques comme des accès routiers et des contrôles dédiés, et surtout des moyens de manutention de plus en plus puissants comme le portique (au début sur rails et alimenté par une caténaire « trolley ») ou le reachstaker (qui impose des chaussées renforcées).

Cela explique qu’à partir des années 90, époque où se généralisent les UTI normées (caisse mobile, conteneur maritime, semi-remorque préhensible), les terminaux sont mis en œuvre sur des sites entièrement nouveaux, indépendants des cours à marchandises, pourvus d’équipements de grande ampleur (voies longues à 750m voire davantage, portiques chevauchant au moins 2 ou 3 voies ferrées, systèmes spécifiques pour les trafics MD ou Reefer, etc) et étroitement connectés aux infrastructures routières et autoroutières. A titre d’exemple, les terminaux de Paris-Valenton, Bordeaux-Hourcade ou Dijon-Perrigny appartiennent à cette génération.

Dans le même temps, et pour des raisons similaires, les terminaux portuaires s’équipent de la même façon (Marseille-Fos, Le Havre LHTE, Strasbourg), tandis qu’apparaissent des terminaux tri-modaux localisés sur des nœuds logistiques stratégiques (Dourges-Delta 3, Lyon-PEH). En contrepoint, les terminaux anciens, trop petits, devenus compliqués à exploiter et insérés dans l’urbanisation croissante, tendent à disparaître.

Depuis le début du présent siècle, enfin, avec l’expansion des autoroutes ferroviaires, le parc français s’enrichit de terminaux « système », servant au chargement/déchargement de semi-remorques par des installations spécifiques. Les terminaux d’Aiton (système Lohr exploité par Viia) ou de Calais-Marck (système CargoBeamer) illustrent cette logique.

Situation actuelle et perspectives offertes par la stratégie nationale de développement du fret ferroviaire

Aujourd’hui, le parc français de terminaux est activement utilisé : il assure annuellement plus de 730 000 manutentions rail-route et 255 000 manutentions fleuve/mer-route (chiffres DGITM 2021, sans tenir compte des manutentions non bénéficiaires des aides qui représenteraient au moins les mêmes volumes). Selon une récente étude de la DGITM réalisée par le cabinet Mensia, 15 terminaux connaissent plus de 5 départs et arrivées quotidiennes :

Cette activité, ainsi que la dynamique favorable du transport combiné depuis plusieurs années, explique les efforts des propriétaires et des exploitants pour continuer d’investir sur ces terminaux. SNCF Réseau a ainsi procédé à un état des lieux de son parc (cf. figure ci-dessous) et annonce prioriser les investissements sur les terminaux existants, dont un certain nombre détient encore des réserves foncières qui pourraient être aménagées en cours de chargement ou de stockage.

Pour leur part, les terminaux privés, locaux ou portuaires sont dans le même élan, avec des projets emblématiques sur Mouguerre (64), Miramas (13), Strasbourg-Sud (68) ou encore Dourges (62).

Plus encore, la stratégie nationale de développement du fret ferroviaire décidée par l’Etat en 2021 et qui vise à tripler le volume du combiné rail-route actuel pour contribuer à la décarbonation des transports, entraîne un besoin impérieux de nouveaux terminaux. A cet effet, les services de l’Etat travaillent à un schéma directeur des terminaux intermodaux, prévu pour fin 2023 et voué à se décliner au niveau de chaque région (la région Ile-de-France, par exemple, a déjà engagé le sien). Rappelons à cet égard que la filière du transport combiné estime à une quinzaine le nombre de nouveaux terminaux nécessaire pour atteindre le triplement, en plus des 35  en activité aujourd’hui.

Ceci étant, il faut souligner que la création ex novo d’un terminal moderne est un processus long, s’étirant souvent sur 5-6 ans en moyenne du fait des concertations préalables, des procédures administratives, financières (montage de dossiers d’aides devant plusieurs acteurs, l’Etat, les collectivités locales, l’UE) et environnementales et des travaux de construction proprement dits. Aussi les professionnels du combiné regardent-ils également des solutions plus rapides, ce qu’on appelle parfois le « terminal light », appuyé sur des installations ferroviaires existantes et facilement réadaptables.

L’avenir

Pour terminer ce panorama, on peut prédire un bel avenir aux terminaux intermodaux en France. Mais il faut en parallèle faire l’hypothèse de mutations accélérées dans les prochaines années devant des enjeux nouveaux, aussi bien sur les formes des terminaux, leurs technologies, leurs modes d’exploitation ou encore leurs métiers. Sans être exhaustif, on peut par exemple évoquer :

  • les révisions conséquentes des itinéraires par lesquels les camions desservent les terminaux, du fait des ZFE et des congestions croissantes des circulations urbaines ; plus largement, ces révisions pourraient requestionner l’organisation du « last-mile » ;
  • les déploiement de nouvelles solutions techniques visant une meilleure productivité, comme l’automatisation ou la commande à distance des opérations de manutention ou des dessertes ferroviaires ;
  • la généralisation du digital et de la data dans les processus et les organisations, avec de forts enjeux sur les métiers et les compétences humaines ;
  • la généralisation de terminaux « zéro-carbone » ou « zéro-énergie », par des moyens innovants (panneaux solaires, fin des motorisations thermiques des engins de levage, bio-énergies, recyclage des déchets…), comme d’ailleurs sur l’ensemble des sites logistiques et supply chains.