La Journée du Transport combiné du 26 octobre 2023, entre affluence record et détermination pour l’avenir
Comme tous les ans à pareille époque, le GNTC organise sa Journée du Transport combiné. Cet évènement important pour notre filière s’est tenu le jeudi 26 octobre dernier à l’Espace Saint-Martin, dans le centre de Paris, sous la forme d’une matinée de tables rondes et d’échanges orchestrés par Gilles Dansart, le journaliste bien connu spécialiste des transports.
Cette édition 2023 s’est située dans un contexte particulier, mêlant de vrais espoirs au regard des niveaux d’activités atteints ces dernières années et des politiques qui portent le combiné, et des craintes dues aux chutes de trafics de ces derniers mois suite aux grèves du printemps et au ralentissement économique. Plus de 260 personnes ont assisté à la Journée, record de fréquentation jamais atteint jusque là !
Les lecteurs de la Combilettre trouveront sur le site web du GNTC le replay intégral des débats ainsi que différentes présentations ; ils trouveront par ailleurs, dans ce Dossier du mois, une synthèse des points saillants évoqués tout au long de cette matinée dense et animée.
Les chiffres en 2023, selon l’Observatoire du transport combiné
Ivan STEMPEZYNSKI, Président du GNTC, l’indique d’emblée : les niveaux d’activités atteints ces dernières années ont été remarquables, aussi bien en ferroviaire qu’en fluvial. Selon les chiffres de l’Observatoire du transport combiné, pour le transport combiné rail-route (TCRR), qui représente à lui seul les trois quarts de l’ensemble, on a ainsi enregistré en 2022 sur 2021 une hausse de 7,9% des trains-kilomètres et une hausse de 9,4% des tonnages. Pour le transport combiné fleuve-route (TCFR), les trafics exprimés en EVP transportés étaient en hausse de 3,9%.
Les chiffres du TCRR ci-dessus suggèrent ainsi que les trains du combiné ont été mieux chargés ou remplis, donc que la filière a gagné en productivité. En outre, en 2022, le combiné rail-route a représenté 41% de l’ensemble des trafics du fret ferroviaire, un niveau jamais atteint qui témoigne de son dynamisme.
Ceci étant, M. STEMPEZYNSKI a souligné que ces résultats satisfaisants sont en même temps fragiles, à la merci d’évènements inopinés comme l’éboulement de Maurienne (qui bloque, depuis le 27 août dernier et sans doute jusque la mi-2024, la plupart des échanges ferroviaires entre la France et l’Italie) et surtout les grèves du printemps 2023 en France. Les chiffres d’activité pour le premier semestre 2023 sont ainsi très en recul, de l’ordre de -22% pour le combiné rail-route et de -12% pour le combiné fleuve-route.
Le soutien de l’Etat continue
Ces nouvelles ne remettent pas en cause la détermination des pouvoirs publics à poursuivre leur soutien à notre filière et à son développement : dans son message aux participants, le ministre chargé des transports, M. Clément BEAUNE, a une nouvelle fois confirmé l’engagement de l’Etat pour l’apport de 200 millions d’euros supplémentaires par an jusque 2030 ainsi que pour le plan spécial de 4 milliards d’euros d’investissements en faveur du fret ferroviaire, notamment pour les terminaux de transport combiné et les améliorations de gabarits sur les lignes du RFN.
Pour sa part, M. Thierry COQUIL, directeur général des infrastructures de transport et des mobilités (DGITM) au ministère, précisait l’avancement de la stratégie nationale de développement du fret ferroviaire. On sait que cette politique, mise en œuvre depuis 2021, vise à doubler sous 10 ans la taille du fret et donc à tripler celle du combiné rail-route ; sur ses 73 mesures détaillées, environ la moitié sont accomplies et les autres suivent.
Par ailleurs, les efforts financiers publics portent également sur le volet fluvial du combiné, avec des dotations totalisant 3 milliards d’euros sur les 10 prochaines années : là également, comme pour le ferroviaire, on assiste à un doublement de l’investissement public par rapport aux années antérieures, à des niveaux exceptionnels.
Plus largement, M. COQUIL soulignait l’enjeu de massification des flux, condition nécessaire à la réussite de cette stratégie : la réindustrialisation de la France, autre priorité gouvernementale, doit donc se faire autant que possible sur la base de transports massifiées.
Le transport combiné fluvial joue son rôle dans le verdissement des transports
La Journée du 26 octobre a réservé une part importante de ses débats au combiné fluvial, autour de MM. Benoît MUGNIER (groupe Sogestran) et Eloi FLIPO (VNF).
Si ce dernier a de nombreux points communs avec son frère ferroviaire, le principal étant d’être un transport massifié, il s’en détache néanmoins par plusieurs spécificités : la fiabilité quasi absolue de l’acheminement fluvial ; le potentiel de croissance considérable des trafics (qu’on estime généralement au quadruple des actuels) sans qu’il soit aucunement besoin d’accroître la capacité des réseaux ; des problématiques spécifiques, comme la persistance de coûts de chargement sur certains ports français (Le Havre, Fos) pour les EVP arrivant/partant par voie fluviale ou bien la dépendance aux basses eaux.
Ceci étant, les participants ont unanimement souligné la capacité du combiné fluvial à jouer son rôle dans le verdissement des transports, au regard des fortes massifications qu’il autorise et de la sobriété énergétique croissante des bateaux : c’est pourquoi il fait l’objet de très nombreux évènements promotionnels et commerciaux toute l’année, la plupart organisés par VNF.
En réalité, un des principaux obstacles à ce développement futur pourrait se nicher dans des sujets de recrutement des ressources humaines et de formation, car les métiers du fluvial souffrent de méconnaissance et parfois de dévalorisation.
Le report modal, vu côté marchés et clients
La Journée du 26 octobre a ensuite poursuivi ses débats autour de la question du report modal, vu du côté des marchés et des clients.
Mme Chloé GUEDJ, en charge de la décarbonation des transports du groupe Pepsico pour la France, soulignait pour sa part la nouveauté et le succès de la démarche de report modal. Le groupe Pepsico a en effet commencé à recourir au transport combiné en 2019 et l’utilise aujourd’hui pour 15% de ses flux, une proportion appelée à s’accroître encore ces prochaines années. Mais Mme GUEDJ le souligne, ce succès est dû à plusieurs facteurs-clés : les transporteurs doivent être accompagnés et sensibilisés ; il faut garder un back-up routier de sécurité, pour faire face aux inévitables aléas.
Pascal MUH, directeur des opérations du groupe BSH France, attribuait pour sa part plusieurs mérites au transport combiné : il permet d’effectuer des transports jour A – jour B plus facilement et plus économiquement que la route ; il est plus sûr pour les biens transportés et garantit mieux la sûreté sur son maillon massifié, rail ou fluvial ; enfin il permet de réduire les conséquences négatives de la congestion routière pour les livraisons chez les clients.
En miroir de ces interventions, M. Jean-Philippe DELMONT, directeur général délégué du groupe Combronde, confirmait la forte appétence des chargeurs pour se tourner vers le combiné, une tendance désormais durable qui oblige toute notre profession. Cette vision était reprise en écho par M. Denis CHOUMERT, Président de l’AUTF, qui insistait pour sa part sur la nécessité de mieux fédérer les acteurs autour d’objectifs communs, à l’image de l’association professionnelle animée par l’AUTF sur l’axe de la Seine.
En tout état de cause, cette nécessité d’ouvrir les acteurs sur les enjeux et les bonnes pratiques du transport combiné pourrait trouver des réponses dans les outils, comme le produit Cumulus proposé par la fondation AI Cargo que présentait son président M. Bernard GUILBOT.
Les incitations au report modal
Bernard LOTH, responsable transport et logistique de Hellio, a fait une présentation complète des dispositifs des CEE et ses évolutions, à l’attention des acteurs intéressés et cherchant des incitations financières à leurs projets de report modal (cf. présentation sur le site web du GNTC). En complémentarité, Yann TREMEAC de l’ADEME, a présenté l’état d’avancement du Programme CEE REMOVE et le calendrier prévu.
La difficile vision partagée de la qualité et de la capacité du réseau ferré
On le sait, le principal obstacle à la stratégie de développement du fret ferroviaire et donc du combiné rail-route se situe dans les problèmes de qualité et de capacité du réseau ferré français, à l’encontre duquel les attentes n’en sont que plus fortes, de la part de tous les acteurs. C’est ce qu’ont rappelé M. Vincent BELLANGE, Président de Novatrans et nouveau Président de la commission « ferroviaire et terminaux » du GNTC, ainsi que Jean-Claude BRUNIER d’Open Modal.
En réponse, Mme Isabelle DELON, directrice générale clients et services de SNCF Réseau, mettait en avant les progrès du gestionnaire d’infrastructures : pour le prochain service 2024, dont les sillons sont attribués en septembre 2023, 90% des sillons fret attribués aux utilisateurs du réseau étaient au statut « ferme », dix points de plus qu’il y a dix ans ; de plus, le « taux d’adéquation brute », c’est-à-dire la proportion de sillons attribués répondant aux demandes (ou dans une marge de +/- 30 minutes) est maintenant à 76% ; enfin, ces quatre dernières années, SNCF Réseau a accru de 70% son offre de sillons pré-construits. Ceci étant, Mme DELON n’a pas caché que la ponctualité des trains du transport combiné reste très médiocre, à 59% cette année alors que le fret ferroviaire dans son ensemble est à 78%. De l’avis de tous les participants qui réagissaient à ces chiffres, il reste donc beaucoup de travail au gestionnaire du réseau pour rendre ses processus sillons plus robustes et améliorer le dialogue social en son sein pour réduire sa conflictualité.
Sur ces sujets, M. Jordi TORRENTE, directeur de la stratégie du port de Barcelone, apportait un éclairage intéressant sur la situation en Espagne, où le gestionnaire d’infrastructures a pu offrir de nouvelles capacités aux utilisateurs suite à la mise en service des lignes nouvelles dédiées aux trafics voyageurs. Ceci étant, l’expansion du transport combiné dans ce pays a également provoqué une forme d’emballement avec la mise en œuvre de très nombreux terminaux intermodaux et l’arrivée des compagnies maritimes sur ce marché.
Vincent FERSTLER de la DGITM a pu lui détailler notamment l’avancée des schémas directeurs en cours sur les terminaux de combiné et le transport de semi-remorques.
La synthèse du Président du GNTC
En conclusion de cette Journée, M. STEMPEZYNSKI soulignait les attentes toujours aussi fortes vers le transport combiné, et le fait que le combiné est une solution de décarbonation immédiatement disponible, sûre et efficace. Il en tirait l’impérieuse nécessité de poursuivre les chantiers utiles à son développement : mise en œuvre des investissements sur les réseaux ferré et fluvial, stratégie capacitaire, mise en œuvre de nouveaux terminaux, recherche d’une qualité de service toujours plus proche de celle de la route.