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Les Unités de Transport Intermodal ou UTI, outil stratégique du transport combiné

En avril 2023, votre Combilettre vous présentait le terminal intermodal, un des ingrédients principaux pour réaliser un transport combiné. Ce mois-ci, nous vous proposons un focus sur un autre de ses outils : l’unité de transport intermodal ou UTI. Ce moyen est d’autant plus digne d’intérêt qu’il participe à la définition même du transport combiné, suivant les textes de l’ONU et de l’UE (« le transport intermodal est l’acheminement d’une marchandise utilisant deux modes de transport … dans la même unité de chargement … et sans empotage ni dépotage »). Voici donc un nouveau Dossier du mois, consacré aux UTI utilisées dans le transport combiné, leurs principales caractéristiques techniques, leurs origines et leur évolution.

Très brève historique des contenants du transport de marchandises

Dans le transport des marchandises, les premiers contenants aptes à plusieurs modes de transport, manutentionables et réutilisables, apparaissent au début du XXe siècle sous forme de caisses, en bois ou métalliques, qu’on charge sur un camion, un train, un bateau ou une péniche. Ces caisses sont souvent affectées à un certain type de transport ou à une certaine marchandise ce qui limite leur universalité. Aucune norme n’existe pour homogénéiser leurs caractéristiques, notamment leurs dimensions. De fait, le contexte des échanges est très largement national ; pour mémoire, l’organisation internationale de normalisation ou International Standardization Organization, l’ISO, basée à Genève, n’est créée qu’en 1947.

L’apparition et le triomphe du conteneur maritime

C’est que la fin de la Seconde Guerre mondiale ouvre une nouvelle époque basée sur les échanges économiques internationaux et l’essor de la consommation de masse. C’est dans ce contexte très dynamique qu’apparaît aux Etats-Unis, sous l’impulsion de l’entrepreneur Malcolm McLean au début des années 1950, le conteneur maritime, cette caisse métallique standardisée apte aussi bien au transport maritime qu’au transport ferroviaire et routier, et par ailleurs capable d’être empilée sur plusieurs hauteurs ce qui décuple les possibilités de chargement et de stockage sur les quais portuaires, dans les sites logistiques et dans les cales des navires.

C’est en 1966 que les dimensions du conteneur sont fixées par l’ISO, qui n’oublie pas l’origine américaine de cette invention en les exprimant en pieds ; trois longueurs standard sont retenues, 20 pieds, 30 pieds et 40 pieds, mais une seule largeur (de 8 pieds) et une seule hauteur (8,6 pieds). Ce conteneur standard (ou dry) n’a qu’une porte d’extrémité et son plancher est garni de bois ; à ses huit angles sont prévus des cadres d’angles ou coins ISO permettant leur préhension et leur repos sur les châssis ferroviaires et routiers. La relative rusticité du conteneur standard le rend peu cher à l’achat, de l’ordre de quelques milliers d’euros en moyenne ces quinze dernières années.

Par la suite, ce standard connaît des évolutions qui font apparaître des conteneurs spécialisés pour certains transports, comme le conteneur pliable (flat), le conteneur au toit ouvrant (hard top) ou au toit ouvert (open top), le conteneur frigorifique (reefer), le conteneur à deux portes d’extrémité pour accélérer les opérations de chargement ou de déchargement (tunnel), le conteneur surélevé (high cube). Dans certains de ces cas, les dimensions du conteneur ont changé par rapport au standard : ainsi le High Cube, de 30 cm plus haut, nécessitera une adaptation des gabarits ferroviaires. La standardisation d’origine s’est donc atténuée.

Quoi qu’il en soit, le conteneur maritime a triomphé et il domine aujourd’hui le transport maritime, qui a inventé pour eux le navire porte-conteneurs en 1956 et dont il représente 15% des tonnages annuels. Plus de 15 millions de ses exemplaires circulent dans le monde, dont l’essentiel est fabriqué en Chine. Ils sont toujours majoritairement détenus par les compagnies maritimes, dont ils portent les couleurs et les logos. Le tableau ci-dessous précise les principales dimensions des conteneurs les plus courants, standards et spécialisés.

Enfin, le conteneur maritime est l’objet d’un régime universel d’immatriculation prévu par les textes ISO et régi par le Bureau international des conteneurs (BIC). Chaque conteneur détient un « numéro BIC » marqué sur les portes du conteneur, avec dans l’ordre :

  • 4 lettres qui identifient le propriétaire du container,
  • 6 chiffres qui correspondent au numéro propre du container,
  • 4 chiffres ou lettres en dessous qui indiquent le type du container.

Les conteneurs citernes

Pour accompagner l’essor du transport des marchandises liquides, en particulier de la chimie et des produits pétroliers, le conteneur maritime se décline en citernes, appelées également « ISO tanks ». Ces conteneurs-citernes comprennent la citerne proprement dite, souvent réalisée en acier inoxydable et entourée de couches protectrices, ainsi que d’un cadre-squelette, similaire à celui des conteneurs standards et qui permet à la fois leur préhension et leur stockage mais aussi leur protection face aux chocs du voyage. Elles sont également équipées d’un système de valvules dans leur partie supérieure et inférieure afin de réaliser les opérations de chargement et déchargement en toute sécurité et sans contamination.

Disponibles majoritairement aux longueurs 20 et 30 pieds, les conteneurs-citernes peuvent transporter entre 21 000 et 40 000 litres de liquide, soit tous les liquides transportables, non dangereux et dangereux, dont les liquides corrosifs, inflammables, toxiques et explosifs. Il s’agit par exemple des essences, du fioul, de produits laitiers, de sucres liquides, de boissons alcoolisées et non alcoolisées, de résines liquides, d’huiles de chauffage et végétales, de peroxyde d’hydrogène…

 

Les caisses mobiles

C’est également au lendemain de la Seconde guerre mondiale, au moment où le transport routier de marchandises prend son essor, que se pose la question des meilleures dimensions et de la normalisation des remorques routières ; et comme le transport combiné que nous connaissons se développe également, la question s’étend aux nouvelles caisses mobiles (« swap bodies »), appelées à passer indifféremment du mode routier au mode ferroviaire et vice-versa.

En Europe, la réponse se fait d’abord par le rejet des dimensions des conteneurs maritimes, trop étroites. La profession préfère être plus à l’aise, notamment en largeur, et comme l’Europalette apparaît dans les années 60, c’est autour de cette dernière que vont se structurer les efforts de normalisation.

Il faut en effet se rappeler que c’est par les réseaux de chemins de fer européens, réunis dans l’UIC, que l’europalette s’impose dès 1961. Ses dimensions sont fixées pour optimiser le chargement au sein des wagons et donc maximiser l’espace de gabarit utile ; elles sont de 800 mm de largeur, 1 200 mm de profondeur et 144 mm de hauteur.

Les caisses mobiles vont donc être définies au croisement de deux préoccupations : maximiser le chargement d’europalettes et profiter au mieux des gabarits ferroviaire et routier. En même temps, elles acquièrent une structure légère, ce qui a pour conséquence de les rendre impropres à l’empilage (ou seulement sur une rangée) et de les rendre préhensibles seulement par le dessous (elles sont donc dépourvues de coins ISO aux angles supérieurs), au moyen de coins ISO inférieurs ou d’accroches latérales appelées « platines ». Par ailleurs, elles se développent de façon plus hétérogène que le conteneur maritime, au gré des marchés et des utilisateurs, en comportant par exemple :

  • des portes latérales ou à panneaux ou rideaux coulissants (tautliner) pour faciliter le chargement et le déchargement latéraux depuis le sol ;
  • des bâches à la place du toit, pour les produits en vrac ;
  • des installations de température dirigée ;
  • des structures plates pour les produits lourds ou encombrants ;
  • des citernes pour les liquides.

C’est pourquoi leur longueur atteint 13,4 mètres (soit 45 pieds, 5 de plus que le conteneur maritime  standard le plus long) et leur largeur 2,50 mètres.

En Europe, on estime à 300 000 le nombre de caisses mobiles en circulation.

Les semi-remorques préhensibles

Une autre UTI importante en usage dans le transport combiné est la semi-remorque, transportable par rail depuis ses origines au moyen de wagons « poches », à condition d’être « préhensibles », c’est-à-dire équipée de platines latérales (comme les caisses mobiles) permettant de les manutentionner. On estime à un dixième, au plan européen, la proportion de telles semi-remorques par rapport au parc total de semi-remorques.

Ceci étant, les remorques non préhensibles peuvent également accéder au transport combiné par le biais des autoroutes ferroviaires et leurs systèmes de manutention horizontale, ou plus récemment par le biais des « paniers » manipulés à la verticale par des portiques, et ceci quelle que soit leur type qui peuvent être très nombreux (tautliner, citerne, réfrigéré…)

De façon générale, qu’elles soient préhensibles ou non, les semi-remorques ont évolué ces 50 dernières années dans le sens du grossissement de leurs dimensions, notamment en ce qui concerne leur hauteur qui atteint maintenant les 4 mètres, ce qui entraîne la nécessité de garantir le gabarit correspondant (« P400 ») sur les principales lignes ferroviaires européennes.

Le code ILU

Comme les conteneurs maritimes, les UTI européennes, caisses mobiles et semi-remorques préhensibles, ont leur système d’immatriculation, différent du code BIC mais avec lequel il est compatible. Fixé par une norme européenne (EN 13044) depuis 2000 et généralisé en 2011, ce système comprend une numérotation et un type de marquage.

La norme EN 13044 décrit essentiellement deux éléments :

  • un système d’identification et les marquages associés pour les unités de chargement intermodales (ILU). Il s’agit du code ILU (EN 13044 partie 1).
  • le marquage des caisses mobiles et des semi-remorques préhensibles pour les opérations ferroviaires. Il s’agit de l’autorisation spécifique aux chemins de fer des unités de chargement pour le Transport Combiné, également appelée codification (plaque jaune) (EN 13044 parties 2 et 3).

La norme EN 13044 (partie 1) a mandaté l’UIRR (Union internationale des sociétés de transport combiné rail-route, établie à Bruxelles, en Belgique) d’administrer les clés ILU pour le marquage des unités de chargement intermodales en Europe au nom de tous les acteurs du transport intermodal.

Les opérateurs et les UTI

Aujourd’hui, le transport combiné utilise donc massivement ces types d’UTI, qui constituent pour les différents acteurs un actif stratégique à la réalisation de leurs transports. En France, certains opérateurs de transport combiné possèdent leurs propres parcs ; quant aux opérateurs de terminaux, la plupart assurent des services de gestion des parcs, l’entretien, le nettoyage, la réparation…