Le salon Transport & Logistics de Munich rouvre ses portes, entre risques géopolitiques et accentuation du verdissement
Du 9 au 12 mai 2023, le plus important salon européen du transport et de la logistique, le célèbre « Messe München » (Allemagne), a rouvert ses portes pour la première fois depuis 2019, crise du Covid oblige. Comme la dernière version de son homologue parisien, la SITL de mars dernier, il fait la part belle aux solutions et aux innovations aptes à minimiser l’impact environnemental des transports et à optimiser la gestion des marchandises par la technologie, en y ajoutant d’autres composantes comme le fret aérien ou la présentation en plein air de divers équipements. Faisons ensemble une visite guidée de ce fameux salon.
Un salon au cœur du « Deutschland hergestellt »…
Le salon se tient une fois tous les deux ans, au mois de mai, au parc des expositions de la capitale bavaroise – contigü au terminal DUSS de Munich-Riem, un des principaux terminaux intermodaux d’Allemagne.
Il faut en effet se souvenir que le pays est non seulement la première puissance économique et industrielle d’Europe (avec ses trois piliers historiques que sont l’automobile, l’électrotechnique et la chimie), mais aussi régulièrement classé parmi les trois pays les plus exportateurs avec les Etats-Unis et la Chine et parmi les principaux excédents commerciaux au monde (180 milliards d’euros en 2021).
Ceci entraîne que des masses considérables de marchandises circulent dans tout le pays, notamment de/vers le port de Hambourg, et en connexion avec tous les pays voisins, dont il constitue la plaque tournante.
En particulier, l’Allemagne est considérée depuis plusieurs années comme une économie particulièrement performante en matière de logistique : à la faveur de la mondialisation des échanges, ses entreprises du secteur ont acquis un savoir-faire remarquable et occupent les toutes premières places des classements mondiaux. Dans sa dernière étude internationale des performances logistiques (avril 2023), la Banque mondiale classe ainsi l’Allemagne au 4e rang mondial, après Singapour, la Finlande et le Danemark (la France est 13e). Le transport et la logistique en Allemagne représentent plus de 3 millions d’emplois.
Enfin, rappelons que le mode ferroviaire est particulièrement développé en Allemagne : il atteignait 123 milliards de tonnes-kilomètres en 2021 (France : 35 milliards), dont 43% de transport combiné rail-route. Le voyageur qui se rend à Munich par le train peut observer que les lignes ferroviaires sont en permanence sillonnées de convois de marchandises, notamment de trains du combiné traditionnel et de « route roulante ». Pour le transport fluvial, le trafic est également très important, de l’ordre de 45 milliards de tonnes-kilomètres en 2020 (France : 8 milliards), dont le dixième serait en conteneurs (source : CNRR, Observation du marché intérieur / la navigation intérieure européenne, 2021).
…en un format imposant
Pour permettre des échanges professionnels à la mesure de ces enjeux, entre chargeurs et offreurs de solutions, le salon de Munich déroule une organisation imposante : 127 000 mètres carrés d’espaces sont mis à la disposition de 2 300 exposants, dans 10 immenses halles thématiques (maritime, portuaire, routier, fret cargo aérien, ferroviaire et intermodal, logisticiens, immobilier et entrepôts, services, organismes de formation et de recherche…), complétées (c’est une des originalités de ce salon) par des espaces en plein air desservis par voies ferrées sur lesquels étaient présentés wagons, locomotives, engins de manutention, conteneurs, citernes, châssis et tracteurs routiers.
Ce format conséquent trouve également sa force dans la pluralité des exposants : on voyait ainsi se côtoyer les grands transporteurs ferroviaires, routiers, maritimes, aériens et intermodaux allemands et internationaux, les grands integrators, expressistes et logisticiens, les ports et aéroports, mais également les sociétés de services (loueurs, mainteneurs) et de conseil, les collectivités locales impliquées dans le transport et la logistique, les clusters nationaux et les fédérations professionnelles (dont l’UIRR). Certains stands frappaient par leur taille imposante, sur plusieurs niveaux avec restaurants et lounges. Souvent, ces exposants étaient regroupés par pays ou par régions.
En 2023, pour la première fois, le salon a dépassé la part de 60% d’exposants venant de l’étranger, signe de l’internationalisation inexorable des échanges.
Enfin, le salon de Munich a prévu plus de 50 conférences et ateliers, mobilisant plus de 250 experts, sur les 4 jours que dure l’évènement.
Des offres de transport globalisées, face aux risques géopolitiques
Au salon de Munich, les grandes entreprises de transport de marchandises affichent abondamment le caractère globalisé de leurs offres de transport, non seulement de par les services proposés (transport proprement dit, stockage, dédouanement, pallettisation, dégroupage…) mais également de par leur couverture géographique, le tout en soulignant la réactivité et la résilience de leurs organisations.
De fait, les évènements géopolitiques de ces dernières années (crise du Covid-19, désorganisations logistiques et flambées des prix, guerre en Ukraine) ont amené ces opérateurs à revoir leurs flux, à commencer par l’axe Europe – Asie pour lesquels on notait une abondance d’offres (ports, terminaux, entrepôts, lignes ferroviaires et maritimes) émanant d’entreprises et/ou d’Etats d’Asie centrale et évitant, autant que possible, le transit par la Russie.
Inexorablement, la tendance au verdissement des solutions de transport…
Comme au salon parisien de la SITL, l’édition 2023 du salon de Munich permettait de constater l’importance des préoccupations environnementales, aussi bien du côté des transporteurs que des logisticiens.
Le transport combiné rail-route était ainsi très présent sur le salon, par ses grands acteurs allemands et européens comme par l’ampleur de ses solutions techniques, avec notamment une gamme très complète de wagons-poches destinés au transport de semi-remorques (en Allemagne, 80% de celles qui circulent ne sont pas préhensibles), dont beaucoup émanaient de constructeurs est-européens.
Le verdissement des motorisations était par ailleurs évidemment montrée avec des modèles de locomotives bi-modes (électriques et diesel ou électriques avec batteries) ou d’engins ferroviaires de manœuvres électriques, ainsi que des tracteurs de cour et engins de levage électriques ou hybrides ; côté route, on remarquait des tracteurs routiers biocarburants, hybrides et/ou à hydrogène. Cependant, les expérimentations de tracteurs électriques à caténaires, sur lesquelles l’Allemagne porte ses efforts depuis plusieurs années, n’étaient pas exposées.
Enfin, côté logistique, les exposants spécialisés dans l’immobilier logistique communiquaient abondamment sur leurs projets de sites « zéro-impact environnemental » aptes à produire entièrement l’énergie qu’ils dépensent.
…et la place croissante des nouvelles technologies
Data, IO, IA, réalité augmentée… les innovations numériques s’invitent chaque année un peu plus dans l’univers des supply chains et donc des transports et de la logistique : comme ailleurs, le salon de Munich n’y fait pas exception et met en scène une foule d’initiatives et de produits visant à améliorer et accélérer les échanges, les anticipations, la gestion des aléas, les économies d’énergies.
D’un stand à l’autre, on pouvait ainsi faire la connaissance de diverses plates-formes numériques visant le partage en temps réel des capacités de transport des opérateurs de combiné, en transparence et neutralité, tout comme le réemploi des UTI et autres conteneurs maritimes vides par partage des localisations, ou encore l’optimisation de chargements y compris pour des palettes.
Les nouvelles technologies s’apercevaient aussi dans des fonctions plus classiques comme la surveillance des sites (via la reconnaissance faciale ou vocale) ou la télématique et la transférabilité des données entre SI différents ; ainsi, on sentait une forte tendance pour des véhicules « intelligents », capables de transmettre en temps réel des données utilisables pour leur maintenance ou leur exploitation (aussi bien wagons que locomotives).
Ceci n’éclipsait pas, pour terminer, d’autres innovations ferroviaires plus classiques comme les projets d’accouplement automatique des trains ou d’automatisation des sites de chargement rail-route.
Bilan et prochaine édition
A la clôture des portes du salon, le 13 mai dernier, l’organisateur parlait d’un franc succès avec une fréquentation de plus de 75 000 personnes (63 000 en 2019), dont la moitié d’étrangers provenant de 120 pays. La prochaine édition est d’ores et déjà annoncée du 5 au 8 juin 2025.